Kinshasa, 23 mai 2025- Après six ans de silence, Joseph Kabila est sorti de sa réserve avec fracas. L’ancien président de la République, qui s’était retiré de la scène politique depuis 2019, a lancé ce vendredi une attaque en règle contre le pouvoir en place. À travers un discours solennel retransmis depuis Kinshasa, il a accusé son successeur Félix Tshisekedi d’avoir « dilapidé » l’héritage de l’alternance pacifique, dénonçant une « dérive dictatoriale » qui mettrait, selon lui, en péril l’avenir de la nation.
“Le Congo est gravement malade, et son pronostic vital est engagé”, a déclaré Kabila d’un ton grave. Il a fustigé ce qu’il qualifie « d’ivresse du pouvoir sans limite », pointant du doigt un « effondrement des institutions », une « violation de la Constitution » et une gestion chaotique du pays, aussi bien sur le plan politique que sécuritaire.
Revenant sur l’accord de coalition signé avec Tshisekedi en 2019, Kabila affirme avoir agi pour préserver la stabilité institutionnelle. Mais cet accord, dit-il, a été « trahi » par des manœuvres qu’il considère comme un « coup d’État institutionnel », notamment la nomination contestée des membres de la CENI et l’organisation d’« élections frauduleuses » en 2023, qualifiées de « simulacre ».
Sur le front économique, l’ancien chef de l’État dépeint un tableau sombre. Il dénonce « l’inaction » du régime face à l’inflation galopante, l’explosion de la dette publique et une jeunesse abandonnée à son sort. “Le pays est étranglé par un endettement au-delà des dix milliards de dollars. C’est une asphyxie sociale sans précédent”, a-t-il martelé.
Le volet sécuritaire de son discours est tout aussi virulent. Kabila accuse l’actuel gouvernement d’avoir « sous-traité la sécurité à des groupes armés, des milices tribales et des mercenaires ». Il dénonce l’« affaiblissement de l’armée nationale » et cite la mort de centaines de détenus à Makala en septembre 2024 comme une preuve de la « répression sanglante » en cours, qu’il qualifie de « crime contre l’humanité ».
Face à ce qu’il présente comme une impasse nationale, Kabila propose un « pacte citoyen » articulé autour de douze priorités. Il appelle à « la fin de la tyrannie », au retrait des troupes étrangères, à la restauration de la démocratie et à la mise en place d’un dialogue inclusif. Son objectif, provoquer un « sursaut patriotique » pour, dit-il, « sauver le Congo ».
Kabila ne s’est pas limité à une critique à distance. Il a annoncé son intention de se rendre prochainement à Goma, dans le Nord-Kivu. “Il y a quelques jours en effet, suite à une simple rumeur de la rue ou des réseaux sociaux, sur ma prétendue présence à Goma, où je vais me rendre dans les prochains jours, comme annoncé par ailleurs, le régime en place à Kinshasa a pris des décisions arbitraires avec une légèreté déconcertante”, a-t-il lancé.
Dans ce même élan, il a accusé le gouvernement d’avoir « abandonné » les populations de l’Est. “Ces décisions et bien d’autres vous asphyxient et rendent votre vie plus précaire que jamais”, a-t-il dénoncé, appelant à « humaniser les conditions de vie » et à recentrer les institutions militaires et judiciaires sur la protection de la population. Une intervention qui marque, sans équivoque, son retour sur la scène politique nationale.