Kinshasa, 04 juillet 2025- Le contrat controversé de 4,8 millions de dollars attribué de gré à gré au cabinet FINACTU par la Caisse nationale de sécurité sociale des agents publics (CNSSAP) a été mis en suspens sur instruction de la Première ministre, Judith Suminwa. Par le biais de son directeur de cabinet, elle a exigé l’arrêt immédiat de cette procédure en attendant une évaluation complète de sa légalité, conformément à la loi sur les marchés publics.
Dans une correspondance adressée au directeur général de la CNSSAP, la cheffe du gouvernement rappelle que l’article 15 de la loi n°10/10 du 27 avril 2010 prévoit une approbation préalable avant toute attribution directe d’un marché. Elle souligne aussi que l’article 17 de la même loi impose le recours à l’appel d’offres, sauf cas d’exception strictement encadrés. “Les raisons évoquées dans votre correspondance ne cadrent pas avec les dispositions des articles 41, 42 et 43 de la loi”, précise la note, pointant une violation des règles de passation en vigueur.
Le plan de passation des marchés de la CNSSAP, approuvé par la Direction générale du contrôle des marchés publics (DGCMP), prévoyait une mise en concurrence pour ce marché, et non une procédure d’entente directe. Cette divergence a poussé la Première ministre à exiger le respect des procédures en vigueur, et à suspendre tout processus d’attribution jusqu’à nouvel ordre.
En parallèle, Judith Suminwa a demandé la transmission urgente d’un ensemble de documents justificatifs, notamment le rapport d’analyse des offres, les procès-verbaux de négociation et d’attribution, les preuves de disponibilité des fonds, les bordereaux de prix ainsi que les attestations de bonne exécution par la société adjudicataire. Elle souhaite, à travers cette démarche, disposer de tous les éléments nécessaires pour évaluer la régularité de la procédure.
La mise en garde de la Première ministre intervient dans un contexte de pression politique croissante. Le député national Joseph Nkoy Wembo avait déjà interpellé publiquement le directeur général de la CNSSAP, Junior Mata, à travers deux questions écrites. Dans ses correspondances, il s’interrogeait sur l’absence d’appel d’offres. “Voudriez-vous m’indiquer les raisons fondamentales pour lesquelles vous avez recouru à la procédure de gré à gré qu’à celle d’appel d’offres ? Quel est l’état actuel de ce marché ?”, questionnait-il dans sa lettre du 27 juin.
Cette affaire ne constitue pas un cas isolé. Le même parlementaire avait déjà attiré l’attention sur un autre dossier épineux concernant un détournement présumé de plus de 20 millions de dollars dans l’acquisition de trois immeubles par la CNSSAP. Une question orale avait été déposée à l’Assemblée nationale pour obtenir des éclaircissements.
Face à la multiplication de ces alertes, la décision de Judith Suminwa marque un signal fort en faveur de la transparence dans la gestion des ressources publiques. En suspendant ce contrat, elle entend assainir les pratiques et veiller à ce que chaque dollar dépensé par l’État réponde aux exigences légales et éthiques.
Cette rigueur imposée au sommet de l’exécutif pourrait renforcer les efforts du Parlement et des organes de contrôle pour restaurer la confiance des citoyens dans la gestion des finances publiques. Le dossier du marché FINACTU devient ainsi un test de gouvernance pour la CNSSAP et pour le gouvernement dans son ensemble.