Kinshasa, 14 juillet 2025- Le milliardaire israélien Dan Gertler, déclaré personnage clé du secteur minier congolais, a admis pour la première fois avoir versé d’importantes sommes d’argent à feu Augustin Katumba Mwanke, conseiller influent de l’ancien président Joseph Kabila. Ces révélations ont été faites lors d’une décision arbitrale rendue récemment en Israël, dont le contenu a été dévoilé ce lundi 14 juillet, par Bloomberg.
Dans cette procédure, Gertler reconnaît avoir effectué des paiements significatifs à Katumba Mwanke, dans le cadre de ses investissements miniers en République Démocratique du Congo et avoir détenu des parts d’entreprises au nom de ce dernier.
L’arbitre israélien Eitan Orenstein, qui a présidé la procédure, explique comment Katumba Mwanke utilisait son influence pour favoriser Dan Gertler. Il affirme que les relations de Katumba avec les autorités congolaises servaient à s’assurer que les opportunités liées aux actifs miniers de la RDC soient systématiquement proposées en priorité à l’homme d’affaires israélien.
Dans sa propre déposition, Dan Gertler décrit clairement la relation de confiance établie avec Katumba Mwanke. « De tout ce que j’avais, la moitié lui appartenait. » Il précise toutefois que Katumba n’occupait pas de fonction officielle au sein du gouvernement lorsqu’il percevait ces paiements. Mais ces propos confortent les accusations de favoritisme et de corruption portées depuis des années contre le milliardaire israélien.
Dans un autre témoignage datant de 2014, Gertler va encore plus loin. Il se compare à un monarque contrôlant une partie des ressources minières de la RDC.
« Le roi de la MIBA à ce jour », en référence à la Société Minière de Bakwanga, une entreprise publique congolaise spécialisée dans le diamant. Il reconnaît également avoir accordé des prêts à la RDC et à la MIBA, tout en justifiant ces arrangements en affirmant qu’ils sont
« en aucun cas inappropriés ou inhabituels ».
Le milliardaire admet aussi avoir fourni de l’argent liquide directement au gouvernement congolais et à la Banque Centrale du Congo, consolidant ainsi sa position de financier clé du régime.
«J’ai donné de l’argent au gouvernement. À la Banque centrale du Congo. En liquide.» a-t-il dit.
Face à ces aveux, la réaction du Congo N’est Pas à Vendre (CNVAP) ne s’est pas fait attendre. Jean-Claude Mputu, porte-parole de cette coalition anticorruption, dénonce une exploitation éhontée du peuple congolais.
« Dan Gertler dit qu’il est un roi au Congo, mais son royaume a été construit sur le dos des citoyens congolais grâce à des accords douteux avec l’élite de notre pays. » a-t-il regretté
Pour lui, les déclarations de Gertler sont révélatrices d’un comportement colonialiste. A lui d’ajouter
« Ses propres mots paternalistes et colonialistes décrivent une dynamique de pouvoir inquiétante et soulignent son exploitation éhontée de notre peuple. »
Malgré ces graves révélations, Dan Gertler n’a jamais été poursuivi devant les instances judiciaires, ni en RDC, ni en Israël, ni dans les pays où il détient ses sociétés. Seules certaines multinationales ayant fait affaire avec lui ont préféré couper les ponts, craignant les risques de corruption. C’est le cas d’Och Ziff aux États-Unis, de Katanga Mining au Canada ou encore de Glencore en Suisse.
Depuis plusieurs années, Gertler est sous le coup de sanctions américaines. En 2017, le département du Trésor des États-Unis l’a sanctionné pour des transactions minières et pétrolières opaques jugées corrompues. Selon les autorités américaines, ces opérations ont coûté à la RDC « des centaines de millions de dollars », soit environ 1,36 milliard de dollars entre 2010 et 2012. Le CNVAP estime ce chiffre à plus de 2 milliards de dollars.
Cependant, plusieurs médias rapportent que des négociations seraient en cours pour une éventuelle levée de ces sanctions. Cela suscite l’inquiétude des défenseurs de la transparence en RDC, qui redoutent un recul dans la lutte contre la corruption. Les lanceurs d’alerte Gradi Koko et Navy Malela, exilés après avoir dénoncé un système mis en place par Gertler pour contourner les sanctions, rappellent les risques d’impunité. Condamnés à mort par la justice congolaise, ils vivent cachés depuis plusieurs années.
Le CNVAP alerte sur les conséquences d’une levée des sanctions. Dans une déclaration, la coalition souligne.
« Le Trésor américain enverra un message erroné s’il lève les sanctions contre Dan Gertler. Des malfaiteurs comme lui ne devraient pas pouvoir agir en toute impunité simplement parce qu’ils continuent à repousser et à étendre leurs obligations de rendre des comptes. »
Pour la coalition, seule une justice impartiale permettra d’empêcher la répétition de tels actes. Elle appelle les autorités congolaises à agir de toute urgence. Elle demande aux instances compétentes d’ouvrir une enquête sérieuse et de poursuivre les paiements versés à Katumba Mwanke ainsi que tous les autres faits révélés dans ce dossier.