Kinshasa, 19 juillet 2025- L’histoire politique et sécuritaire de la République Démocratique du Congo est marquée par une succession de traités, dialogues et accords de paix, souvent perçus comme fragiles, parfois inefficaces, et presque toujours accueillis avec scepticisme par la population. La récente signature de l’accord de Doha entre le gouvernement de Kinshasa et le mouvement M23/AFC, sous l’égide du Qatar, ne déroge pas à cette tradition.
Une médiation internationale, entre pragmatisme et zones d’ombre
Le choix de Doha pour abriter ces négociations interroge. Loin du théâtre des opérations, hors du contexte immédiat du conflit congolais, ces pourparlers se sont déroulés dans la discrétion, voire l’opacité. Qui a convoqué qui ? Sous quelles conditions ? Pourquoi un silence quasi-total entoure-t-il encore le contenu exact de l’accord ?
Derrière cette médiation, la communauté internationale – en particulier certains membres influents du Conseil de sécurité semble jouer un rôle d’arbitre dans une crise où elle est pourtant, à tort ou à raison, considérée par beaucoup comme juge et partie. Une posture qui reflète les faiblesses institutionnelles et diplomatiques de Kinshasa, dont les dirigeants paraissent déléguer une partie de leur souveraineté à des puissances extérieures.
Kinshasa, entre pragmatisme et piège stratégique
Pour le gouvernement congolais, cet accord peut être vu comme un choix dicté par la realpolitik. Face à une coalition M23/AFC renforcée et bénéficiant, selon plusieurs rapports, d’un soutien implicite du Rwanda, Kinshasa a privilégié la désescalade politique à l’affrontement militaire direct.
Mais cette stratégie défensive risque d’installer une logique dangereuse : ceux qui prennent les armes finissent toujours par être entendus, tandis que les acteurs pacifiques sont marginalisés. Un précédent fâcheux pour un État qui peine déjà à affirmer son autorité sur l’ensemble de son territoire.
Les victimes, grandes oubliées de l’accord
Dans cette dynamique diplomatique, les populations civiles semblent reléguées au second plan. Des milliers de morts, des millions de déplacés, des villages anéantis dans le Rutshuru, le Masisi ou encore le Nyiragongo : ce sont les victimes qui paient le tribut le plus lourd à cette crise.
Pourtant, l’accord de Doha ne prévoit, à ce stade, aucune disposition claire sur la justice transitionnelle, les réparations, ou le désarmement effectif et vérifiable des groupes armés. Une omission lourde de conséquences, qui ravive l’amertume d’une population ayant déjà vu défiler une kyrielle d’accords sans qu’aucun ne mette un terme réel à l’instabilité.
Une paix durable ou une simple trêve ?
L’accord de Doha sera-t-il respecté ? L’histoire récente ne prête guère à l’optimisme. Les précédents accords de Nairobi, Addis-Abeba ou Luanda ont montré que sans volonté politique sincère et sans pression forte sur les parrains régionaux des groupes armés, ces engagements restent souvent lettre morte.
Le risque est grand que cet accord, négocié dans le confort feutré des hôtels de Doha, ne soit qu’une manœuvre de temporisation pour les deux parties, sans s’attaquer aux causes profondes du conflit : impunité, convoitise des ressources minières, affaiblissement chronique de l’État congolais.
Conclusion : Entre lucidité et vigilance
En tant qu’analyste politique, je ne suis ni naïf ni cynique. Je sais que la paix impose parfois des compromis. Mais il faut rappeler qu’un compromis n’est légitime que s’il sert l’intérêt général et la justice. Le peuple congolais a trop souffert des accords de circonstance qui ne règlent rien.
Aujourd’hui, il attend davantage que des signatures , il réclame des actes concrets, des réparations, une véritable justice et surtout, la fin durable des violences.