Kinshasa, 04 Août 2023- Dans les deux jours qui ont suivi la commémoration du génocide congolais non encore reconnu par la communauté internationale, le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a exprimé sa frustration face à l’inaction de la diplomatie congolaise concernant l’établissement d’un Tribunal pénal international pour la RDC.
Cette juridiction serait chargée de juger les crimes commis sur le territoire congolais, tels que les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Malgré l’engagement du président Félix Tshisekedi en février dernier, aucun effort diplomatique n’a été entrepris pour soumettre une demande officielle au Conseil de sécurité des Nations unies, déplore Denis Mukwege.
Denis Mukwege souligne que la culture de l’impunité est un facteur déterminant dans la récurrence des conflits et la perpétuation des crimes les plus graves, en particulier les crimes à caractère sexuel et sexiste. Il critique vivement le manque d’initiative diplomatique de la RDC pour travailler avec un membre du Conseil de sécurité à l’élaboration d’une résolution sur cette question.
Selon le responsable de l’hôpital Panzi, les victimes des atrocités de masse commises en RDC depuis des décennies méritent une justice complète, comprenant la vérité, des réparations et des garanties de non-répétition. Il estime que seule une telle approche permettra de parler de réconciliation et de mener à bien la transition de la dictature à la démocratie et de la guerre à la paix.
Une justice transitionnelle
Lors du lancement officiel de la journée commémorative du génocide congolais le 2 août 2023, le président Félix Tshisekedi a encouragé le Parlement à adopter des lois visant à exclure les auteurs de crimes de l’accès aux responsabilités. Cependant, Denis Mukwege estime que le président ne comprend pas pleinement l’importance d’intégrer des réformes institutionnelles dans une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle.
Il souligne également le manque de cohérence du président, qui a nommé d’anciens chefs de guerre à des postes ministériels et de vice-Premier ministre, ainsi qu’un ancien cadre d’une milice proche du M23 et du Rwanda à un poste clé dans un programme national de démobilisation. Selon le réparateur des femmes, le projet de loi-cadre de justice transitionnelle n’est toujours pas adopté par le Parlement, et il trouve curieux d’entendre le président Tshisekedi plaider pour un objectif qui relève en grande partie de sa propre responsabilité.
Adoption de la stratégie holistique
Denis Mukwege insiste sur la nécessité d’adopter une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle en RDC, combinant des mécanismes judiciaires et non judiciaires, pour mettre fin à l’impunité et garantir la non-répétition des crimes. Il souligne que le système judiciaire congolais, peu équipé et dysfonctionnel, ne dispose pas des moyens nécessaires pour mettre fin à la culture de l’impunité pour les crimes de masse passés et présents.
Il appelle à exploiter pleinement les avantages de tous les mécanismes de justice transitionnelle en tenant compte de la dimension internationale des conflits en RDC.