Kinshasa, 05 mars 2025- Le panel d’experts de la société civile monte au créneau après le verdict de la Cour de cassation dans l’affaire des forages. Dans un mémorandum adressé au président de la République, cette structure exprime son indignation face à un jugement qu’elle juge incomplet et préoccupant. Son coordonnateur, Dieudonné Mushagalusa, demande au chef de l’État de se saisir personnellement du dossier, estimant que le verdict suscite plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
Dès l’ouverture du procès, un espoir était né au sein de la population, selon Mushagalusa. Les Congolais espéraient enfin comprendre comment des centaines de millions de dollars avaient été dépensés dans ce projet de forages et lampadaires. “Au départ, trois personnes étaient mises en cause, mais au final, une seule a été condamnée. Cela suscite un certain nombre de questions”, déclare-t-il, s’interrogeant sur l’acquittement des autres prévenus.
L’ancien ministre du Développement rural, François Rubota, a écopé d’une peine de trois ans de prison. En revanche, l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, a été blanchi, et l’opérateur économique Mike Kasenga a été acquitté. Ce qui étonne le panel d’experts, c’est l’incohérence apparente du jugement : “Dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, la Cour condamne une seule personne et acquitte les autres”, note Mushagalusa.
Plus encore, la société civile s’inquiète de la nature même des charges retenues. Le détournement de fonds, point central de l’affaire, n’a pas été officiellement établi contre quiconque. Pourtant, la Cour a condamné Rubota pour « tentative de détournement », une qualification juridique qui laisse perplexes de nombreux observateurs. “Comment peut-on parler de tentative de détournement sur un projet qui a englouti des millions de dollars ?” s’indigne Mushagalusa.
Ce qui alarme davantage la société civile, c’est l’attitude du Conseil supérieur de la magistrature. L’instance a publié un communiqué menaçant toute personne qui remettrait en question ce verdict. “C’est une première dans l’histoire judiciaire du pays”, souligne Mushagalusa. Pour lui, cette prise de position vise à museler toute tentative de recherche de la vérité et à dissuader ceux qui demandent des comptes.
Le projet des forages, d’un coût de près de 400 millions de dollars, devait permettre l’installation de 1 000 unités de pompage et de traitement d’eau à travers le pays. Mais son exécution a été marquée par des irrégularités et des soupçons de corruption, alimentant la colère de la population. “Ce dossier est emblématique de la mauvaise gouvernance et de l’impunité en RDC”, estime le coordonnateur du panel.
Face à cette situation, Mushagalusa appelle le président de la République à agir. En tant que garant de la justice et magistrat suprême, il estime que le chef de l’État ne peut rester silencieux. “Nous voulons une justice équitable et transparente, et non une parodie de procès”, martèle-t-il. Selon lui, une intervention du président est nécessaire pour rétablir la confiance de la population dans les institutions judiciaires.
L’affaire des forages est loin d’être close. La société civile, appuyée par plusieurs organisations, entend poursuivre son combat pour obtenir toute la lumière sur cette affaire. “Il ne s’agit pas seulement d’un procès, mais de l’avenir de la justice en RDC”, conclut Mushagalusa.