Kinshasa, 08 mai 2025- À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025, Pourelle.Info a rencontré la professeure Madeleine Mbongo Mpasi, docteure en sciences de l’information et secrétaire administrative à l’UNISIC.
À l’ère où l’intelligence artificielle s’infiltre dans les rédactions, elle tire la sonnette d’alarme que l’IA est un outil puissant, mais qui ne pense pas. “Elle reproduit, elle ne réfléchit pas”, rappelle-t-elle d’emblée.
Pour elle, l’intelligence artificielle peut certes structurer l’information, répondre aux questions de base et corriger la forme. Mais elle est incapable de répondre aux interrogations profondes. “Le pourquoi et le comment échappent à son champ d’action. Elle ne possède ni intuition ni responsabilité morale”, fait-elle savoir.
Interrogée sur le remplacement potentiel des fonctions humaines dans les rédactions, la professeure nuance. “L’IA peut s’occuper des tâches répétitives comme la traduction ou la rédaction de brèves, mais tout ce qui touche au jugement éthique ou à la sensibilité narrative restera du ressort de l’humain”, soulève-t-elle.
La désinformation est, selon elle, le plus grand danger. Si une erreur est intégrée dans les données d’entrée, l’IA la reproduira sans filtre. “Il y a aussi un risque d’uniformisation des contenus, surtout dans les groupes de presse centralisés ou chez les journalistes multitâches”, prévient la professeure.
Malgré cela, la responsabilité éditoriale ne doit pas être diluée. “L’IA ne doit jamais devenir un prétexte à la déresponsabilisation. Chaque édition doit avoir un responsable, et la chaîne de vérification doit rester en place”, martèle Mbongo Mpasi.
La formation devient ainsi essentielle. “Il faut apprendre aux journalistes à interroger l’outil, pas juste à l’utiliser. Cela passe par une formation critique, intégrée à l’épistémologie du numérique. L’éthique reste la boussole”, souligne-t-elle.
Quant à l’avenir du journalisme, Madeleine Mbongo est catégorique. Selon elle, l’IA transformera les pratiques techniques, mais ne changera pas l’essence du métier. “Comme le télex en son temps, elle apportera de la vitesse, pas de réflexion. L’intelligence journalistique restera irremplaçable”, insiste-t-elle.
Elle conclut sur le rôle crucial des écoles de journalisme. “Elles doivent anticiper, former aux outils et à leur compréhension. À l’UNISIC, nous avons fait le choix d’un séminaire technologique obligatoire, pour que les futurs journalistes soient prêts à maîtriser le changement, et non à le subir”, conclut-elle.