Kinshasa, 21 mai 2025- La Cour constitutionnelle a rendu son verdict ce mardi dans l’affaire emblématique du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. L’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo a été condamné à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics. Il était jugé aux côtés de Déogratias Mutombo Mwana Nyembo, ex-gouverneur de la Banque centrale du Congo, et de Christo Grobler, homme d’affaires sud-africain et dirigeant de la société Africom. Ces deux derniers ont écopé de cinq ans de travaux forcés.
Les trois accusés étaient poursuivis pour leur rôle présumé dans la gestion opaque et le détournement de plusieurs millions de dollars alloués à ce projet censé relancer la production agricole nationale et réduire la dépendance du pays aux importations alimentaires.
Pour la défense, le procès est une parodie de justice. Maître Laurent Onyemba, avocat de Matata, dénonce une décision « inique » et « déconnectée de la vérité du dossier ». Il estime que son client n’a pas été jugé selon les règles de droit. “On a assisté à la fabrication de chiffres et de faits qui ne cadrent pas avec le droit. Il s’agit d’un procès politique. Tous les principes d’un procès équitable ont été violés !”, a-t-il déclaré.
Dans la foulée, plusieurs figures politiques ont exprimé leur soutien à Matata. Patrick Kanga et Francine Muyumba, proches de l’ancien président Joseph Kabila, ont déclaré que *“les grands défis sont pour les grands hommes. On sait tous où se situe le Palais de justice, mais la véritable justice est celle de Dieu. Nos encouragements à Maman Hortense, femme de foi et de prière, ainsi qu’à toute la famille Mapon Matata.”
Olivier Kamitatu, directeur de cabinet de l’opposant Moïse Katumbi, a également réagi avec virulence. “Au fil de ses décisions iniques, la Cour constitutionnelle s’est transformée en véritable laquais de la dictature. Elle vient encore de poignarder le droit. Non bis in idem piétiné, immunités parlementaires bafouées, revirement cousu de fil blanc : ce verdict scélérat, forgé pour abattre un rival, empeste la justice prostituée au service d’un clan”, a-t-il fait savoir. Il appelle l’opposition à se ranger derrière Matata, qualifiant cela d’ « impératif ».
C’est une première en RDC qu’un ancien chef de gouvernement soit condamné pour des faits commis dans l’exercice de ses fonctions. Dans un pays longtemps miné par l’impunité, cette décision fait figure de jurisprudence historique, mais non sans controverse.
En parallèle, malgré de nombreux scandales sous l’actuel régime, aucun haut responsable n’a été emprisonné. Des projets phares comme ceux des 100 jours, Tshilejelu, la Francophonie ou encore le PDLT 145 sont cités dans des enquêtes de détournement, mais aucune condamnation n’a été prononcée à ce jour.