Kinshasa, 03 juillet 2025- Malgré des avancées militaires significatives dans l’Est de la RDC, le mouvement rebelle AFC/M23 traverse une phase d’instabilité interne marquée. C’est ce que révèle un rapport confidentiel du groupe d’experts de l’ONU, consulté par Enquête.cd mercredi. Le document décrit une atmosphère tendue, alimentée par des nominations contestées au sein du groupe rebelle et la récente annonce du retour de l’ancien président Joseph Kabila par Goma, capitale provinciale désormais sous le contrôle de la rébellion.
Selon les conclusions du rapport onusien, les tensions internes seraient nées de divergences sur la répartition du pouvoir entre les différentes composantes de l’AFC/M23, principalement les factions proches du Rwanda et de l’Ouganda. “Des tensions internes sont apparues au sein de l’AFC/M23, exacerbées par des nominations internes contestées et par l’annonce controversée du retour de l’ancien président Joseph Kabila dans l’est de la RDC. Ces tensions ont ravivé les divisions entre factions historiques rwandaises et ougandaises”, souligne le rapport, qui ajoute que Kigali envisagerait de ramener Laurent Nkunda pourtant sous sanctions internationales à un poste de commandement afin de stabiliser le mouvement.
Le document, qui couvre des faits observés jusqu’au 20 avril 2025, indique également que plusieurs figures politiques et militaires influentes, bien que ne s’étant pas officiellement alignées sur la rébellion, ont maintenu des contacts étroits avec ses soutiens régionaux. “Si des poids lourds politiques et militaires dont Joseph Kabila, Moïse Katumbi et John Numbi ne se sont pas officiellement ralliés à l’AFC/M23, ils ont été en contact régulier avec Nangaa, Kigali et Kampala”, peut-on lire dans le rapport.
L’AFC/M23 semble également avoir consolidé son influence en intégrant d’autres groupes armés de l’Est. D’anciens éléments des Wazalendo, séduits par la progression rapide du mouvement, ont récemment changé de camp. “L’engagement de l’AFC/M23 d’unifier les groupes armés et les acteurs politiques s’est concrétisé”, indiquent les experts, précisant que cette convergence militaire renforce considérablement la position du groupe rebelle.
Du côté des forces armées congolaises, la situation reste préoccupante. Le rapport souligne une incapacité persistante des FARDC à sécuriser les grandes villes de l’Est, en dépit de leur mandat. “Sur le plan militaire, l’incapacité des FARDC à sécuriser les capitales provinciales, ainsi que les défections et les pertes massives, ont mis en lumière la faiblesse structurelle de l’armée, affectant sa crédibilité”, notent les experts onusiens.
L’AFC/M23, héritier direct du M23 et du CNDP, est constitué principalement de Tutsis et d’ex-rebelles autrefois intégrés dans l’armée congolaise. Ayant pris les armes à nouveau en 2012, le groupe avait justifié sa rébellion par le non-respect de l’accord de paix de 2009 par le gouvernement congolais. Après une période de dormance, ils sont réapparus en force à partir de novembre 2021, deux ans après l’entrée en fonction de Félix Tshisekedi.
Cette fois, la rébellion ne se limite pas à des démonstrations de force militaires. Elle a étendu son contrôle sur de vastes portions du Nord et du Sud-Kivu, installant progressivement une forme d’administration parallèle. Les efforts de paix, y compris l’accord signé à Washington entre Kigali et Kinshasa, peinent à produire des effets concrets sur le terrain.
Face à ce constat, le rapport de l’ONU invite à une vigilance accrue sur l’évolution de la situation. Il met en garde contre une consolidation de l’influence régionale rwandaise à travers cette rébellion, et insiste sur la nécessité pour Kinshasa de renforcer à la fois sa réponse militaire et diplomatique dans les mois à venir.