Kinshasa, 13 mars 2025- La centrale hydroélectrique Ruzizi III, censée améliorer l’accès à l’électricité en Afrique centrale, est désormais à l’arrêt. La Banque européenne d’investissement (BEI) a annoncé le report de sa décision de financement, mettant en suspens un projet évalué à 760 millions de dollars. Ce retard n’est pas d’ordre technique ou financier, mais directement lié à la dégradation sécuritaire dans l’est de la RDC, où les combats entre les FARDC et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, menacent la stabilité de la région.
Le projet Ruzizi III, d’une capacité prévue de 206 MW, devait exploiter les eaux du fleuve Ruzizi, à la frontière entre la RDC, le Rwanda et le Burundi. En gestation depuis plus d’une décennie, ce partenariat public-privé aurait permis d’améliorer l’accès à l’électricité pour près de 30 millions de personnes, tout en doublant la capacité énergétique du Burundi et en augmentant d’un tiers celle du Rwanda. Mais aujourd’hui, l’avenir de cette infrastructure cruciale est plus incertain que jamais.
L’offensive du M23, qui a conquis plusieurs localités stratégiques autour de Goma et Bukavu, a changé la donne. Le site du projet se retrouvant en zone de conflit, les bailleurs de fonds s’inquiètent pour la sécurité des infrastructures et du personnel. “Avec le M23 qui gagne du territoire au Sud-Kivu, le site du projet Ruzizi III se trouve dans la zone de conflit”, a confirmé un porte-parole de la BEI. Face à ces risques, l’institution préfère adopter une approche prudente et évaluer la situation avant de s’engager financièrement.
Ce report de financement intervient dans un contexte de réajustements géopolitiques. La banque de développement publique allemande KfW a rappelé que Berlin a suspendu tout nouvel engagement financier envers le Rwanda, un signal fort à l’égard de Kigali, accusé de soutenir les rebelles. De son côté, la Banque mondiale assure rester « activement engagée » avec les pays concernés et l’organisme régional Énergie des Grands Lacs, mais sans donner de calendrier précis pour la reprise du projet.
Ce blocage met en évidence un dilemme majeur : faut-il suspendre indéfiniment Ruzizi III à cause du conflit, ou au contraire, accélérer sa mise en œuvre comme levier de stabilisation régionale ? L’électricité étant un facteur clé du développement, certains estiment que ce projet pourrait contribuer à pacifier la région en apportant des opportunités économiques et en réduisant la précarité énergétique. D’autres, en revanche, jugent irresponsable d’investir dans une zone aussi instable.
Il faut souligner que ce projet pourrait être relancé si un accord politique et sécuritaire est trouvé, mais à l’inverse, un enlisement du conflit pourrait conduire à son abandon pur et simple. En attendant, des millions d’habitants restent privés d’un accès fiable à l’électricité, alors même que l’énergie demeure un facteur essentiel pour la croissance économique et la stabilité régionale.