Kinshasa, 14 avril 2025- Au cœur de Kinshasa, la rivière Ndjili n’a plus rien de paisible. Gonflée par des semaines de pluies incessantes, elle déborde, inonde, emporte. Elle dicte sa loi, redessine les cartes, efface les repères. Dans les quartiers de Kisenso à Kimbanseke, chaque traversée devient un pari risqué, chaque jour un combat contre un élément devenu incontrôlable.
À Secomaf, les eaux ont conquis des terrains jusqu’ici épargnés. Ce qui était sentiers est désormais un bras de rivière. Les pirogues de fortune remplacent les chemins. Deux hommes doivent forcer le courant pour guider une embarcation instable, transportant des familles entières. Le tarif de la traversée a doublé, mais ce n’est pas le plus dur. Ce qui pèse, c’est l’incertitude, le danger, la peur.
Plus loin, au quartier Kabila, la rivière a rompu tout lien avec sa trajectoire naturelle. Elle s’est frayée un nouveau passage, passant par les palmeraies, frôlant les maisons. Les habitants assistent, impuissants, à la lente noyade de leur quotidien. Les champs sont engloutis, les légumes pourrissent sous l’eau, les porcs sont évacués dans la panique.
“Ici, tout ce qui est sous l’eau, c’étaient des jardins”, confie une dame entre deux traversées. “On marchait à pied jusqu’à Secomaf. Maintenant, c’est impossible.” Les fermiers désertent, les espoirs s’érodent, les récoltes se perdent dans le silence liquide d’une rivière déchaînée.
Le souvenir du 5 avril hante encore les esprits. Ce jour-là, Ndjili est sortie de son lit avec une violence inédite, inondant le boulevard Lumumba, submergeant les quartiers de Tshangu, Salongo, Ndanu. Quarante-huit morts, selon les autorités. Mais ce que les chiffres ne disent pas, ce sont les nuits passées dehors, les maisons abandonnées, la terreur gravée dans les visages.
Face à cette catastrophe silencieuse, les riverains appellent à l’aide. Mais qui entend encore les cris portés par le courant ?