Kinshasa, 19 avril 2025- L’appel lancé par le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, en faveur d’une intervention de la Cour constitutionnelle pour « régulariser » la situation judiciaire de Matata Ponyo, continue de susciter une vive polémique. Pour plusieurs organisations de la société civile, il s’agit là d’un dangereux précédent.
Dans un communiqué commun, l’ODEP, la LICOCO et l’ACAJ dénoncent une « ingérence politique grave » dans une procédure judiciaire encore en cours, pointant une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs consacré par l’article 150 de la Constitution, qui établit que le pouvoir judiciaire est indépendant du législatif et de l’exécutif.
Ces organisations appellent à un respect strict de l’indépendance de la justice. Selon elles, toute tentative d’influence politique dans une affaire aussi sensible « constitue un danger qui fragilise non seulement la crédibilité des institutions, mais aussi la confiance des citoyens dans la justice ».
Plus grave encore, elles estiment que vouloir bloquer une procédure judiciaire en invoquant l’immunité parlementaire revient à détourner cette protection de son objectif initial : “La tentative de recourir à cette immunité pour bloquer une procédure judiciaire constitue une instrumentalisation grave de la fonction parlementaire, et envoie un message d’impunité qui érode la crédibilité de l’ensemble des institutions.”
Sur le fond, les trois structures rappellent l’importance symbolique du dossier : “Le dossier BUKANGA LONZO n’est pas une simple affaire judiciaire : il est le miroir de notre capacité collective à construire une Nation juste, intègre et responsable. La justice ne peut être suspendue au bon vouloir des majorités politiques”.
Elles en appellent à la Cour constitutionnelle pour qu’elle fasse preuve de neutralité, en s’abstenant de toute complaisance politique, et en appliquant la loi avec rigueur. Elles proposent par ailleurs une réforme constitutionnelle visant à limiter les immunités parlementaires dans les affaires de corruption, de détournement et d’enrichissement illicite.
La présidence de la République est également interpellée : les organisations lui demandent de réaffirmer son engagement en faveur d’un véritable État de droit, où « nul ne peut se soustraire à la justice au nom de son statut politique ou institutionnel ».
Quant à Matata Ponyo, mis en cause dans le détournement présumé de plus de 200 millions de dollars destinés au projet du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, les organisations appellent à un geste fort : “En tant qu’ancien Premier ministre et acteur majeur de la vie publique, il doit faire preuve de patriotisme en se mettant volontairement à la disposition de la justice, au lieu de se réfugier derrière une immunité destinée à protéger les fonctions, et non à couvrir des infractions présumées.”
Selon le procureur général près la Cour constitutionnelle, John-Prosper Moke Mayele, Matata Ponyo, Grobler Kristo Stéphanus et Deogratias Mutombo sont poursuivis pour des faits de détournement de fonds publics, dans un dossier devenu emblématique des défis de gouvernance en RDC.