Kinshasa, 12 mai 2025- À Goma, ville stratégique de l’est de la RDC désormais sous contrôle du M23-AFC, la population déjà épuisée par la guerre subit une nouvelle pression. Ce lundi, une grille tarifaire a été rendue publique par l’administration rebelle, imposant des taxes mensuelles aux structures opérant dans les communes de Goma et Karisimbi. Ces prélèvements, présentés comme des “taxes d’assainissement”, soulèvent l’indignation dans une ville meurtrie et économiquement paralysée.
Les montants fixés par cette autorité de fait varient de 5.000 à 300.000 francs congolais. Les comptoirs miniers et dispensaires privés sont désormais tenus de payer 300.000 FC chaque mois. Les écoles doivent verser 150.000 FC, les églises 100.000 FC, et les agences de transfert d’argent ou dépôts de braise 60.000 FC. Une décision incomprise dans une ville où l’économie est à l’arrêt et les services de base quasi inexistants.
“On ne travaille plus, tout est bloqué. Et on vient encore nous imposer des taxes exorbitantes ? C’est de l’oppression pure et simple”, se désole un commerçant de Birere, quartier populaire de Goma. Le désespoir se mêle à la colère alors que l’essentiel de la population vit dans l’incertitude, privée de revenus, de soins et parfois même d’abri.
Pour plusieurs analystes, cette décision vise bien plus qu’un simple assainissement urbain. Elle s’inscrit dans une stratégie politique du M23-AFC pour imposer une administration parallèle, ancrée dans le quotidien des populations, et ainsi défier l’autorité de l’État congolais. “Le fait que cette structure prélève des taxes dans une ville occupée est un signal grave. Cela revient à institutionnaliser la rébellion”, affirme un expert basé à Goma.
Les juristes et défenseurs des droits humains dénoncent une dérive inquiétante. Selon eux, ces taxes s’apparentent à une forme de rançonnement, contraire au droit international humanitaire et à la Constitution congolaise. L’utilisation de sceaux officiels pour légitimer les documents ajoute à la confusion et à la frustration des citoyens.
Face à ce qu’ils qualifient de “prédation fiscale”, des activistes locaux appellent à une intervention urgente de l’État congolais et de la communauté internationale. “Imposer des taxes à des gens déplacés, appauvris et menacés chaque jour est non seulement immoral, mais relève d’un système de prédation institutionnalisée par une force rebelle”, alerte un militant de la société civile.
Le silence ou l’inaction des partenaires internationaux suscite également des interrogations. “La passivité de la communauté internationale face à cette occupation et à cette administration rebelle fragilise toute perspective de paix durable dans la région”, soutient un observateur congolais.
Dans les rues poussiéreuses de Goma, entre peur, fatigue et colère, la population attend une réponse. Une vraie. Pas seulement contre la guerre, mais contre un système qui, sous couvert d’ordre et de propreté, se nourrit de leur détresse.