Kinshasa, 01 juillet 2025- Alors que l’accord de paix signé le 27 juin à Washington visait à désamorcer les tensions entre la RDC et le Rwanda, la question des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) demeure une pierre d’achoppement majeure entre les deux pays. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a réaffirmé, dans une interview à Jeune Afrique, que le désengagement prévu par l’accord ne concernait que les groupes armés non étatiques. “Le terme «désengagement» se réfère exclusivement aux groupes armés non étatiques”, a-t-il précisé.
À la question des conditions d’un éventuel retrait des troupes rwandaises, le chef de la diplomatie rwandaise a conditionné cette décision à l’élimination des FDLR, qu’il accuse Kinshasa de soutenir. “Les FDLR, ce sont des forces qui sont soutenues par le gouvernement congolais, qui sont même intégrées dans les FARDC. Même les rapports des Nations unies le disent. Donc ce n’est pas seulement le Rwanda qui le dit”, a-t-il affirmé, en estimant que leur neutralisation ouvrirait la voie à la levée des « mesures de défense » rwandaises.
Le ministre rwandais est allé plus loin, en soutenant que les FDLR ne sont pas présents dans les zones tenues par le M23, mais bien intégrés dans l’armée régulière congolaise. “Les FDLR ne sont pas sur le territoire du M23, puisque les FDLR sont intégrées dans l’armée du Congo et collaborent avec l’armée congolaise”, a-t-il soutenu, en bottant en touche la question de leur cartographie précise : “Vous ne vous attendez pas à ce qu’un ministre des Affaires étrangères fasse le travail du mécanisme conjoint de coordination.”
Interrogé sur une éventuelle contradiction entre la présence supposée des FDLR et les zones contrôlées par le M23, Olivier Nduhungirehe a balayé l’idée d’un revers. “Que voulez-vous dire en disant que les FDLR sont dans la zone du M23 ? Les FDLR collaborent avec les FARDC. Est-ce que les FARDC sont dans la zone du M23 ? […] Dire que les FDLR sont dans la zone du M23, je ne comprends pas exactement ce que vous dites”, a-t-il répondu. Il renvoie par ailleurs Kinshasa à ses propres engagements, rappelant : “C’est le même gouvernement de Kinshasa qui a signé le CONOPS […] qui parle de neutralisation des FDLR.”
Du côté congolais, la réaction ne s’est pas fait attendre. Sur X (anciennement Twitter), le ministre congolais Julien Paluku, ancien gouverneur du Nord-Kivu, a dénoncé une « rhétorique vieille de 30 ans ». Il a rappelé que les Rwandais ont contrôlé l’Est congolais durant huit années cumulées : “De 1998 à 2003 (5 ans), de 2022 à 2025 (3 ans). Seuls, les Rwandais y ont été ou y sont.”
Julien Paluku a également remis en cause la menace réelle que représenteraient aujourd’hui les FDLR. “En témoignent tous les rapports des experts de l’ONU qui indiquent qu’il ne reste plus qu’un millier [de combattants], constitué en majorité de FDLR recyclés par le régime de Kigali”, a-t-il souligné. Il ironise : “Pendant ces 8 ans, n’ont-ils pas toujours trouvé leurs FDLR ?”
Le ministre congolais accuse Kigali de faire de la question FDLR un instrument de manipulation stratégique. “Maintenant que nous avons tout expliqué au monde entier comme acteurs de terrain, la rhétorique des FDLR, la haine tribale, la stigmatisation ne passent plus”, a-t-il lancé, appelant à la vigilance nationale : “Nous pouvons avoir des divergences comme Congolais, mais ce n’est pas une raison pour servir de béquilles au régime de Kigali qui détruit à petit feu l’espoir des générations.”
En réponse, Olivier Nduhungirehe n’a pas tardé à contre-attaquer sur X. “Si les génocidaires FDLR ne sont qu’un «mensonge» (dixit le ministre congolais Julien Paluku), j’imagine que c’est la raison pour laquelle le gouvernement auquel il appartient s’est formellement engagé, à trois reprises ces derniers mois […] à «neutraliser» les mêmes… FDLR ! Logique élémentaire !”, a-t-il répondu. Au-delà des accords signés, la manière dont ces engagements seront mis en œuvre sur le terrain reste floue, alors même que les récits contradictoires des deux pays maintiennent une tension sous-jacente qui menace à tout moment de réémerger.