Kinshasa, 20 mai 2025- Dans un verdict qui restera gravé dans les annales judiciaires congolaises, l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo a été condamné ce lundi à 10 ans de travaux forcés pour détournement de fonds dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Ses co-prévenus, Déogratias Mutombo, ex-gouverneur de la Banque centrale, et Christo Grobler, patron sud-africain de la société Africom, écopent chacun de 5 ans de travaux forcés. La justice les reconnaît coupables d’avoir détourné plus de 285 millions de dollars alloués à ce projet phare de l’ère Kabila.
La Cour constitutionnelle, longtemps critiquée pour son inconstance, a affirmé sa compétence pour juger l’ancien chef du gouvernement, malgré son statut de député national. “L’immunité protège la fonction et non la personne”, a tranché le président de la Cour, rejetant les arguments de la défense. Selon lui, les poursuites ayant été entamées avant l’élection de Matata Ponyo, son immunité parlementaire ne peut bloquer le processus judiciaire.
Cette décision a ravivé les tensions entre les institutions. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, avait qualifié la démarche de la Cour de violation de la Constitution, réclamant un dialogue pour harmoniser les positions. Une déclaration immédiatement désavouée par Dieudonné Kamuleta, président de la Cour constitutionnelle, qui a rappelé que « le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur des différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice », conformément à l’article 151 de la Loi fondamentale.
De son côté, Matata Ponyo dénonce une manœuvre politique. Il voit dans cette condamnation une tentative d’affaiblissement orchestrée par le régime en place. “Ce dossier, davantage politique que judiciaire, réapparaît à chaque initiative du régime visant à ratisser large… Aujourd’hui, il ressurgit pour me mettre sous pression alors que se profilent un dialogue politique et un gouvernement d’union nationale”, a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée en mars.
Matata accuse également la Cour constitutionnelle d’avoir changé de posture sous la pression politique. Il pointe du doigt l’éviction de l’ancien président de cette Cour, Dieudonné Kaluba. “Le professeur Kaluba, brillant constitutionnaliste, a été évincé de la Cour comme un vulgaire va-nu-pieds pour avoir refusé de se plier aux injonctions de la présidence”, a-t-il fustigé.
Projet censé propulser la RDC vers l’autosuffisance alimentaire, Bukanga Lonzo est aujourd’hui devenu le symbole d’un échec coûteux pour le pays. D’après l’Inspection Générale des Finances, 285 millions de dollars ont été débloqués sans résultats concrets, ouvrant ainsi une plaie béante entre justice, politique et mémoire collective nationale.