Kinshasa, 27 mai 2025- Quatre mois après la prise de Goma et Bukavu par les rebelles de l’AFC/M23, Amnesty International lève le voile sur un drame humain resté dans l’ombre. L’organisation de défense des droits humains révèle, dans une enquête publiée ce mardi, des cas documentés d’exécutions illégales, de tortures, et de détentions arbitraires infligées aux civils dans plusieurs sites de détention improvisés par les rebelles. Des pratiques qui rappellent les heures les plus sombres des conflits armés en RDC.
“Huit détenus ont déclaré avoir vu des codétenus mourir en détention, probablement à cause de la torture et des conditions sévères”, rapporte Amnesty. Les survivants décrivent des cellules surpeuplées, sans nourriture, sans eau potable, sans soins, ni accès aux avocats. “La plupart sont détenues au secret et ne peuvent pas communiquer avec leurs familles”, précise l’ONG, dénonçant une stratégie de terreur orchestrée par les rebelles.
D’après les récits des ex-détenus, les rebelles ont détourné plusieurs infrastructures publiques pour y enfermer leurs opposants supposés. Le bureau provincial de l’ANR, surnommé Chien Méchant, le complexe militaire de la 34e région, le bâtiment de l’Assemblée provinciale, ou encore des camps à Kanyarucinya et Bagira figurent parmi les sites identifiés. Ces prisons de fortune, parfois installées à proximité de bâtiments officiels, témoignent d’une emprise logistique inquiétante du M23.
Parmi les témoignages recueillis, certains font froid dans le dos. “J’ai vu un homme qui était fusillé”, raconte un ancien détenu. “Ils lui ont tiré dans le ventre et dans l’épaule… comme s’il était un bandit.” Les interrogatoires musclés menés par les rebelles viseraient à extorquer des aveux ou des informations sur d’éventuels liens avec l’armée congolaise, des groupes armés rivaux ou des acteurs de la société civile.
Amnesty International affirme que la plupart des détenus n’ont jamais été informés des raisons officielles de leur arrestation. “Le M23 n’a jamais fourni de preuves de ces accusations”, lit-on dans le rapport. Pire, certains prisonniers auraient été mis sous pression pour rejoindre les rangs rebelles ou collaborer de force. Ces pratiques rappellent les méthodes utilisées par les milices pour asseoir leur domination par la peur.
Depuis la prise de contrôle de ces villes, le M23 a mis en place une administration parallèle. Une mainmise dénoncée avec véhémence par Kinshasa, qui y voit une violation grave de la souveraineté nationale. Mais sur le terrain, les populations vivent dans l’angoisse, confrontées à des exactions qui se multiplient dans l’impunité.
Face à ces révélations, Amnesty International appelle à une action urgente de la communauté internationale. Elle demande l’ouverture d’enquêtes indépendantes et la mise en place de mécanismes de protection pour les civils dans les zones occupées. Goma et Bukavu, désormais villes-prisons, deviennent les symboles d’une guerre silencieuse qui broie les innocents.