Kinshasa, 18 juin 2025- Plus de 1 500 personnes ont été transférées ces derniers jours du territoire congolais vers le Rwanda, dans une opération qualifiée d’expulsions forcées par Human Rights Watch (HRW). Selon l’ONG, plusieurs de ces civils seraient en réalité des Congolais, chassés contre leur gré par l’administration de l’AFC-M23, avec l’appui présumé du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). L’organisation évoque même un possible crime de guerre.
Les faits se sont déroulés à Karenga, un village du territoire de Masisi, au Nord-Kivu, présenté comme un fief des FDLR. Pour les autorités du M23, les personnes expulsées seraient des Rwandais en situation irrégulière. Toutefois, Human Rights Watch conteste cette version, affirmant que des citoyens congolais figurent bel et bien parmi les personnes déportées, leurs cartes d’électeurs ayant été volontairement brûlées pour effacer toute trace de leur nationalité.
“Nous nous sommes entretenus avec des personnes concernées, qui ont été transférées de Sake à Goma, avant d’être inscrites sur les listes de déportation vers le Rwanda”, déclare Clémentine de Montjoye, chercheuse à Human Rights Watch, à la RFI. Elle poursuit : “Elles nous ont confié que, parmi les groupes, se trouvaient des Congolais. Avant leur transfert dans les centres de transit, certains, surtout des hommes, ont été conduits au stade de l’Unité à Goma, où le M23 les a accusés d’être rwandais et ont brûlé leurs cartes d’électeurs, sous prétexte qu’il s’agissait de faux documents. Cela a rendu impossible toute preuve de leur nationalité.”
Selon Clémentine de Montjoye, ces agissements violent gravement le droit international. “Le HCR normalement devrait s’assurer que ces personnes sont effectivement des réfugiés rwandais. Mais au-delà de ça, que les retours sont effectivement volontaires”, insiste-t-elle, appelant à une enquête indépendante sur le rôle des acteurs impliqués.
L’histoire de Mélance Maniraguha Ndikubwimana, présentée comme réfugiée rwandaise, vient renforcer les soupçons. Interrogée le 20 mai 2025 par TV5 Monde, elle affirmait : “J’ai expliqué aux autorités que j’étais congolaise. Mais ils ne m’ont pas cru. Ils m’ont mise sur la liste des rapatriés. Voilà pourquoi je suis ici, je ne connais personne autour de moi. Je suis congolaise, je veux qu’on me laisse rentrer chez moi.”
Depuis mai, l’AFC-M23 mène une vaste campagne de rapatriement forcé vers le Rwanda, sous prétexte de régulariser la situation de Rwandais installés en RDC. Or, plusieurs organisations dénoncent ces déportations qui viseraient en réalité des populations hutus congolais, souvent accusées à tort d’être proches des FDLR ou porteuses d’idéologies génocidaires. Une stratégie dénoncée comme un nettoyage ethnique déguisé.