Kinshasa, 21 juin 2025-Un rapport explosif publié récemment par la Cour des comptes de la République démocratique du Congo lève le voile sur une gestion jugée troublante de la dotation de 0,3 % du chiffre d’affaires des sociétés minières. Ce fonds, censé améliorer les conditions de vie des communautés locales impactées par la production minièr semble avoir été détourné de son objectif initial.
Un mécanisme de redistribution vidé de sa substance
Prévu par le Code minier révisé en 2018, le mécanisme impose aux sociétés minières en phase de production de consacrer au moins 0,3 % de leurs revenus bruts à des projets de développement communautaire. La gestion de ces fonds est confiée aux structures dites DOT (organismes chargés de la gestion des dotations), sous la tutelle des ministères compétents.
Mais l’analyse de la Cour des comptes, couvrant la période 2018 à 2023, révèle une application largement dévoyée du dispositif. Au lieu d’un levier de transformation sociale, la dotation est devenue un terrain fertile pour les pratiques opaques et les dérives financières.
Des anomalies chiffrées en dizaines de millions de dollars
Le rapport détaille plusieurs formes de malversations et de défaillances structurelles. Il s’agit notamment de manipulation des chiffres d’affaires, un écart monumental, évalué à plus de 16,7 milliards USD, a été constaté entre les chiffres déclarés à la DGI (Direction générale des impôts) et ceux communiqués aux DOT, entraînant une perte estimée à plus de 50 millions USD pour les communautés.
Le rapport évoque également les dotations insuffisantes: Sur la base des chiffres réels, les entreprises devaient verser 310 millions USD au titre de la dotation, mais n’en ont versé que 213 millions, laissant un déficit de près de 100 millions USD.
Paiements partiels: Vingt-et-une entreprises n’ont pas respecté entièrement leurs engagements, cumulant une ardoise impayée de 40 millions USD.
Mauvaise répartition des fonds : Les règles de ventilation , 90 % pour les projets, 6 % pour le fonctionnement des DOT, et 4 % pour le Comité de supervision sont fréquemment violées, notamment au profit de frais de gestion exagérés et non justifiés.
Des DOT gangrenés par l’opacité et le manque de rigueur
L’audit met en lumière une série de dysfonctionnements graves dans la gestion interne des DOT. Il y a notamment l’absence de comptabilité conforme aux normes OHADA, non-création des structures locales de gestion, adjudication de marchés sans appel d’offres, et faibles garanties dans l’exécution des projets.
Deux cas précis de détournements présumés sont évoqués, 250 000 USD à la DOT de Ruashi Mining et 53 866 USD à celle de HML. Aucune suite judiciaire n’a été donnée à ces cas, illustrant l’inefficacité de la chaîne de sanctions.
Le Comité de supervision pointé du doigt
Théoriquement chargé d’encadrer le dispositif, le Comité de supervision apparaît totalement défaillant. Aucune vérification rigoureuse n’a été effectuée, et aucune entreprise fautive n’a été inquiétée. Cette inertie renforce un climat d’impunité et décrédibilise la gouvernance minière en RDC.
La Cour des comptes recommande des mesures fortes, notamment la révocation de certains responsables de DOT, ainsi que l’application stricte des dispositions de l’article 292 du Code minier, qui prévoit la suspension des activités minières en cas de non-respect des obligations sociales.