Kinshasa, 25 juin 2025- Depuis l’annonce triomphale du nouveau passeport biométrique à 75 dollars, les espoirs des Congolais de voyager à moindre coût se sont vite transformés en désillusion. Devant les locaux du ministère des Affaires étrangères, la file d’attente ne désemplit pas. Chaque matin, des dizaines de citoyens y affluent dans l’espoir d’obtenir enfin le document, mais repartent, pour la plupart, sans aucune garantie sur les délais.
“On nous a fait croire que ce serait rapide. J’ai fait la capture pour mon fils début juin. Depuis, plus rien. C’est le silence total”, témoigne une mère visiblement à bout de patience. À ses côtés, d’autres requérants murmurent les mêmes frustrations, notamment captures biométriques terminées, frais acquittés, mais aucune livraison en vue.
Le problème, selon plusieurs sources internes, remonte au bras de fer non résolu entre l’État congolais et Locosem, l’ancienne société belge chargée de la production des passeports. Celle-ci est accusée d’avoir abandonné des milliers de dossiers sans suite, laissant un lourd héritage à son successeur. “On hérite de coupons de requérants abandonnés par Locosem. Certains avaient déjà les accusés de réception mais n’ont jamais été servis“, souffle un agent en poste.
À cette impasse administrative s’ajoutent des obstacles technologiques. Dans plusieurs provinces, la connexion 2G ralentit considérablement les démarches en ligne. “Même pour se connecter à la plateforme, il faut parfois des heures. Tout cela retarde les inscriptions”, se désole un informaticien indépendant qui aide des requérants en milieu rural.
Pourtant, le contrat avec la société allemande Dermalog, censée moderniser et accélérer le processus, suscitait de grands espoirs. Mais la capacité de production actuelle estimée à environ 400 passeports par jour reste bien en dessous des 3 000 dossiers traités auparavant. Une baisse de régime qui exaspère, surtout lorsque des rumeurs évoquent que les VIP du régime ont, eux, reçu leurs documents sans le moindre délai.
“On se sent abandonnés. Aucun calendrier officiel n’a été publié, personne ne répond à nos questions. Est-ce qu’on va devoir refaire les procédures ? Est-ce que nos dossiers ont été perdus ?”, s’interroge un étudiant qui devait partir en Europe pour ses études en juillet.
Dans ce climat d’incertitude, les voix s’élèvent pour exiger du ministère des Affaires étrangères une communication claire. Des associations de défense des droits des usagers envisagent même des recours administratifs pour exiger la transparence. Le passeport à 75 dollars, présenté comme une avancée sociale, pourrait bien devenir l’un des symboles les plus amers du dysfonctionnement administratif congolais.
Et pendant que l’attente s’éternise, les projets de voyage, d’études ou de soins médicaux à l’étranger sont suspendus, piégés entre espoir et frustration, dans un silence administratif assourdissant.