Kinshasa, 9 juillet 2025- Jacques Kyabula Katwe, gouverneur du Haut-Katanga, a été rappelé en urgence à Kinshasa par le vice-premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo, à la suite d’un meeting tenu à Lubumbashi le 1er juillet.
Officiellement présenté comme une « consultation », ce rappel intervient dans un climat tendu, nourri par des interprétations biaisées de ses propos. Pourtant, le discours de Kyabula, loin d’être polémique, visait à condamner l’action de Joseph Kabila et Corneille Nangaa de s’aligner à l’ennemi qui est le Rwanda.
Dans ses déclarations, Kyabula avait salué l’accord de paix signé entre la RDC et le Rwanda grâce à la diplomatie du président Félix Tshisekedi. Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est cette phrase : « Le vrai ennemi de la RDC, c’est le Rwanda et non des fils du pays comme Joseph Kabila et Corneille Nangaa, dont les cas peuvent être réglés en famille. » Une sortie que certains ont sorti volontairement de son contexte. Pourtant, dans le fond, ses propos du gouverneur a simplement exprimé l’idée que les différends entre Congolais peuvent se résoudre dans la maison, RDC. Une manière de condamner l’action de Nangaa et Kabila de pactiser avec l’ennemi qui le Rwanda alors qu’en tant que fils du pays ils auraient dû régler les différends autour d’un dialogue.
Face à l’émoi provoqué dans la classe politique et sur les réseaux sociaux, le ministre de l’Intérieur a adressé, ce mardi 8 juillet, un télégramme officiel à Jacques Kyabula, lui enjoignant de se présenter dans la capitale « toutes affaires cessantes » dans un délai de 48 heures. « Vous saluer et vous enjoindre, toutes affaires cessantes dès la présente occasion, endéans 48 heures, prendre toutes les dispositions nécessaires aux fins de rejoindre Kinshasa pour motif de consultation », peut-on lire dans la correspondance. Une démarche qui, dans les cercles proches du gouverneur, est perçue comme une tentative d’« intimidation politique », révélant une sensibilité extrême sur toute parole qui sort du cadre établi, même lorsqu’elle s’inscrit dans une logique de loyauté.
Dans une tentative de désamorcer la controverse, Kyabula a organisé un second meeting à Likasi, le lundi 7 juillet. Il y a dénoncé une « interprétation malveillante » de ses propos et réaffirmé son alignement avec le président Tshisekedi « Grâce au chef de l’État, la guerre a pris fin par la plume et non par les armes. » Il a également rappelé que la paix est la condition pour aboutir au développement « Tous les projets de développement dans notre province ne peuvent avancer que si la paix règne. Voilà pourquoi je demande à la population de soutenir les institutions et de prier pour la stabilité du pays. »
Kyabula ne s’est pas écarté de la ligne politique du chef de l’État. Il l’a même renforcée en soulignant les fruits de la diplomatie présidentielle. Mais dans un contexte où certains cherchent à isoler toute parole divergente, même lorsqu’elle vise à renforcer la cohésion, l’espace politique devient étroit. Ce nouvel épisode révèle à quel point la question sécuritaire à l’Est et le rôle des anciens dirigeants restent des sujets hypersensibles à Kinshasa. Jacques Kyabula, figure montante du Katanga, marche désormais sur un fil politique très étroit, où même l’appel au bon sens peut devenir un acte risqué.