Kinshasa, 15 mai 2025- Alors que le Sénat s’apprête à examiner une requête explosive visant à lever les immunités parlementaires de l’ancien président Joseph Kabila, le professeur Florimond Muteba, président du Conseil d’administration de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP), sort de son silence. Pour ce pilier de la société civile congolaise, l’initiative actuelle du pouvoir risque de précipiter la RDC dans une spirale dangereuse de division et de chaos institutionnel.
“Ce n’est pas acceptable qu’on se retrouve de nouveau dans des violations des lois”, a martelé Muteba, rappelant que seule une réunion du Congrès, Sénat et Assemblée nationale réunis ; est habilitée à lever les immunités d’un ancien président, selon la loi n°18/021. Il dénonce une dérive grave, pointant également l’irruption illégale des autorités dans les propriétés de Joseph Kabila, sans procès ni jugement.
Dans un contexte de guerre dans l’Est, l’enseignant plaide pour la cohésion nationale, aujourd’hui selon lui menacée par des règlements de comptes politiques. “Il est plus facile de dialoguer avec un Émir du Qatar qu’avec son prédécesseur”, ironise-t-il, tout en insistant sur la nécessité d’un dialogue sincère entre Congolais, au risque d’envenimer une situation nationale déjà précaire.
S’inspirant de l’expérience du dialogue de Sun City, Florimond Muteba rappelle que le jeune Joseph Kabila avait, à l’époque, accepté une transition inclusive avec plusieurs vice-présidents issus de différents camps. “C’est cette sagesse que nous demandons aujourd’hui au président Félix Tshisekedi”, a-t-il déclaré, tout en affirmant qu’il ne s’agit pas de défendre une personne, mais l’État de droit.
L’ODEP n’est pas seule à s’inquiéter. Dans les coulisses du Parlement, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer la politisation croissante des institutions judiciaires et législatives. Le risque, selon certains observateurs, est d’éroder encore davantage la confiance des citoyens dans les mécanismes de justice et de gouvernance.
“Je suis là pour la défense de l’État et de l’avenir de la paix”, a insisté Muteba. “Cette paix passe par la cohésion nationale, laquelle passe par des dialogues entre individus et des dialogues globaux.” Un appel au dépassement des égos politiques dans un climat de crise multiforme.
Pendant ce temps, le Sénat poursuit ce jeudi 15 mai l’examen du réquisitoire transmis par l’auditeur général des FARDC. Agissant sur injonction du ministre de la Justice, Constant Mutamba, ce document accuse l’ancien président de trahison, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en lien avec la rébellion M23/AFC, soutenue par le Rwanda.
Alors que le pays s’enlise dans une guerre à l’Est, l’initiative judiciaire contre Joseph Kabila, si elle n’est pas menée dans le strict respect du droit, pourrait raviver des tensions politiques majeures et compromettre toute perspective de réconciliation nationale.