Kinshasa, 05 juillet 2025- Dans une lettre ouverte rendue publique vendredi, l’ancien ministre congolais Thomas Luhaka Losendjola a exprimé de vives inquiétudes à propos de l’accord de paix signé à Washington le 27 juin entre la RDC et le Rwanda. Il reproche au gouvernement congolais d’avoir, selon lui, affaibli la portée de la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exigeait sans condition le retrait des troupes rwandaises du sol congolais.
“Quelle n’a pas été ma désagréable surprise de découvrir qu’au lieu d’obtenir l’application de la résolution 2773, vous êtes allé engager la République […] dans un Accord qui conditionne maintenant le retrait des Forces de Défense Rwandaise à la lutte et à la neutralisation des FDLR par la RDC”, a-t-il écrit à la ministre des Affaires étrangères dans sa correspondance.
Thomas Luhaka estime que cet accord réduit à une simple intention l’application de la résolution onusienne. Il cite notamment une phrase du texte signé à Washington. “Les parties s’engagent à faire progresser la mise en œuvre de la résolution 2773 (2025) du Conseil de Sécurité des Nations-Unies”, une formulation qu’il juge « vague » et dénuée d’effet concret.
L’accord de Washington intègre également le plan harmonisé de Luanda adopté fin octobre 2024, qui coordonne le retrait des RDF (Forces de défense rwandaises) avec la neutralisation des FDLR par les FARDC. Ce lien de conditionnalité soulève plusieurs interrogations de la part de Thomas Luhaka. “Avez-vous conscience que les FDLR sont une nébuleuse ? […] Dois-je comprendre que tant que les FARDC n’auront pas neutralisé les FDLR, les troupes rwandaises resteront sur le sol congolais ?”, s’interroge-t-il.
Autre motif de préoccupation : la clause affirmant que les deux parties doivent garantir la « fin irréversible et vérifiable du soutien de l’État aux FDLR ». Selon l’ancien ministre, cette formulation revient à entériner la version rwandaise qui accuse régulièrement la RDC de soutenir cette milice génocidaire. “En adoptant ce principe, la RDC ne vient-elle pas de reconnaître qu’elle soutenait les FDLR ?”, s’indigne-t-il.
Luhaka s’étonne également de l’absence d’obligations juridiques formelles imposées aux garants de l’accord – à savoir les États-Unis, le Qatar, et l’Union africaine alors que leur rôle dans le Comité de surveillance conjointe pourrait, selon lui, justifier un minimum de responsabilité dans le suivi de la mise en œuvre. “Comme parrains de l’accord, n’ont-ils même pas une obligation morale de veiller à l’application de bonne foi de l’accord par la RDC et le Rwanda ?”, questionne-t-il.
En guise de conclusion, Thomas Luhaka résume les conséquences majeures de l’accord en trois points : « un recul par rapport à la résolution 2773 », « une complexification du retrait des troupes rwandaises » et « une validation indirecte de la thèse rwandaise du soutien aux FDLR ». Bien qu’il affirme garder de l’estime pour la cheffe de la diplomatie congolaise, il espère que ses préoccupations recevront des réponses convaincantes.