Kinshasa, 16 octobre 2024- Lors de son discours à la rentrée judiciaire 2024-2025, le Premier président de la Cour de cassation, Elie-Léon Ndomba Ndomba, n’a pas hésité à évoquer les tensions persistantes entre la magistrature et le nouveau ministre d’État chargé de la Justice, Constant Mutamba. En s’adressant au chef de l’État et aux hautes autorités, il a souligné la nécessité pour les magistrats d’être protégés par la présomption d’innocence, tout en dénonçant ce qu’il appelle un “tribunal du net” qui vilipende leur profession.
Les propos du Premier président ont suscité des applaudissements nourris parmi les magistrats présents, témoignant d’un soutien à ses critiques. “Magistrats que nous sommes, avons également besoin d’être couverts par la présomption d’innocence par rapport au discours populiste qui nous vilipende à la longueur des journées, même s’il est évident que dans nos rangs il y a certainement des anti-valeurs”, déclare-t-il, tout en dénonçant un « tribunal du net ».
Ndomba a également évoqué la honte que ressentent les familles des magistrats face aux accusations de corruption et de malversations, insistant sur leur engagement à lutter contre les anti-valeurs. “Les membres de nos familles, surtout nos enfants, ce dont les parents sont honnêtes et justes, traînent la honte d’être pointés du doigt ou de l’œuvre comme descendants des anti-valeurs alors que nous luttons avec eux pour accompagner votre autorité dans la lutte contre cette peste de la corruption”, poursuit-il s’adressant au magistrat suprême, Felix Tshisekedi.
Cette intervention a eu lieu dans un contexte déjà tendu, marqué par les critiques publiques du ministre Mutamba à l’encontre des magistrats qu’il qualifie de “véreux”. Malgré plusieurs tentatives de réconciliation, notamment la mise en place d’un cadre de concertation, les relations entre la magistrature et le ministre n’ont pas connu d’amélioration significative.
La situation s’est exacerbée récemment avec la libération controversée de centaines de prisonniers, une décision prise par Constant Mutamba dans le cadre d’une politique de désengorgement des prisons, qui a été critiquée par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu.
Le 21 septembre dernier, le garde des sceaux a fait libérer 648 prisonniers, provoquant l’indignation de certains magistrats qui ont qualifié ces libérations d’illégales. Mvonde Mambu a déclaré que “certains de ces prisonniers étaient impliqués dans des crimes récents, tels que des extorsions et des vols qualifiés”, demandant aux procureurs de rechercher activement ces individus.
En réponse aux critiques, Constant Mutamba a défendu ses actions sur les réseaux sociaux, affirmant que les “désengagements étaient légaux et conformes à des recommandations faites par des commissions de magistrats”. Il a insisté sur l’engagement du gouvernement à améliorer les conditions des prisons et à garantir des emprisonnements réguliers, affirmant que “le salut du peuple est la loi suprême”.