Kinshasa, 16 juin 2025- En République démocratique du Congo, la justice semble désormais se décliner à deux vitesses. Alors que Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances, échappe à toute poursuite judiciaire d’abord pour présumé détournement, puis pour une présumée divulgation de secrets d’État, Constant Mutamba, ministre de la Justice en fonction, est livré à la Cour de cassation pour un détournement présumé de 19 millions de dollars. Une décision qui alimente l’indignation et interroge sur la sincérité de la lutte contre la corruption au sein des institutions congolaises.
Dimanche 15 juin 2025, l’Assemblée nationale a tranché , 322 députés nationaux sur 363 votants ont autorisé les poursuites contre Constant Mutamba, tandis que 29 se sont opposés et 12 se sont abstenus. Un vote massif, quasi-unanime, qui aurait pu apparaître comme une simple application de la loi si, la veille, la même chambre ne s’était pas opposée à la demande de poursuite contre Nicolas Kazadi.
Cette dissonance dans le traitement de deux figures politiques accusées de faits bien que différents, dénote une justice inégalitaire, où les considérations politiques semblent primer sur l’impartialité du droit.
Constant Mutamba, une cible devenue gênante ?
Jeune ministre d’État, ministre de la Justice et garde des Sceaux, Constant Mutamba s’est fait remarquer pour ses réformes audacieuses et son discours tranché contre les dérives du système. En quelques mois, il avait conquis une partie de l’opinion publique, se positionnant comme un homme politique neuf, décidé à imprimer une autre dynamique au ministère de la Justice et surtout matérialiser la vision du chef de l’État et guérir la justice déclarée malade par Félix Tshisekedi.
Mais cette popularité soudaine et sa volonté manifeste de toucher à certains intouchables pourraient bien lui avoir coûté sa place. Pour plusieurs analystes, Mutamba est devenu un obstacle politique qu’il fallait écarter, et les accusations portées contre lui sont l’occasion rêvée pour le neutraliser.
Deux poids, deux mesures : l’indignation monte
La classe politique comme certaines organisations de la société civile s’indigne de ce traitement à géométrie variable. Pourquoi Mutamba est-il poursuivi sur simple autorisation du Parlement, alors que Kazadi, pourtant visé par une accusation aussi grave que la compromission des secrets d’État, est protégé ? Pourquoi la balance de la justice penche-t-elle avec autant de facilité lorsqu’il s’agit de certains, et se montre-t-elle subitement clémente pour d’autres ?
Cette affaire met une fois de plus en lumière les limites de l’indépendance judiciaire en RDC, où les institutions semblent parfois servir des intérêts partisans au lieu de garantir l’équité et la transparence.
Vers un procès à la Cour de cassation
Avec l’aval de l’Assemblée nationale, Constant Mutamba devra répondre de ses actes devant l’une des plus hautes juridictions du pays. S’il est reconnu coupable, ce sera un coup dur pour son avenir politique. Mais s’il parvient à prouver son innocence, ce procès pourrait se retourner contre ses accusateurs et renforcer son image de victime d’un complot politique surtout bénéficier encore une note de popularité.
Dans un contexte où la confiance du peuple dans les institutions reste fragile, cette affaire pourrait bien marquer un tournant, celui d’une justice qui, au lieu d’être un rempart contre l’arbitraire, devient elle-même un outil d’élimination politique.